Laurent Mauriac, co-fondateur Rue89 : “les journalistes ont le dernier mot”

Vendredi 12 Octobre, le Master Journalisme de Gennevilliers recevait  un des pionniers du journalisme Web. Après  Serge Michel, c’est au tour de Laurent Mauriac de nous faire partager son expérience.

Il est 14 heures 40, les jeunes journalistes sont fébriles. Qui accueillera notre invité? 15h pétante, la rencontre ne devrait pas tarder à démarrer. Laurent Mauriac arrive accompagné de Nordine Nabili. Les étudiants saluent l’invité et s’installent autour de la table, les yeux brillants. Habillé d’une veste en daim kaki, laissant entrevoir une chemise blanche à rayures bleu et gris, Laurent Mauriac répond d’un signe de tête timide. Les salutations faites, retour sur le parcours de ce journaliste. Âgé de 43 ans, il est co-fondateur du site Rue89. Malgré son jeune âge, il a accumulé une expérience indéniable dans le domaine du Web.

Diplômé en gestion et management et de Sciences Po, Laurent Mauriac décide de se tourner vers le journalisme  avec un père, déjà installé dans le milieu. C’est à New-York où il fonde une agence de presse qu’il fait ses premiers pas dans le métier. La rencontre avec un correspondant de Libération va être un élément accélérateur. Ainsi, il intégrera la rédaction du journal et y créera un supplément sur le High-Tech. Laurent Mauriac travaillera au sein du service économie avant de devenir chef du service. En 2005, alors correspondant aux Etats-Unis pour Libération, l’idée de former un blog avec d’autres journalistes (Pascal Riché et Pierre Haski) ayant la même passion que lui, émerge. Après douze années passées à Libé, une nouvelle page se tourne.

L’aventure Rue89 commence

Aujourd’hui, la renommée du site n’est plus à démontrer mais ce fut un vrai parcours du combattant. Le groupe d’amis part certes avec des avantages car ils bénéficient d’une certaine liberté mais également avec des inconvénients car tout reste à bâtir. Le projet est excitant mais “il  fallait se construire une marque”, d’après le journaliste.

Au soir du deuxième tour de la présidentielle de 2007, le site est lancé. “Nouvelle présidence, nouveaux médias” explique Laurent. Se démarquer des médias classiques, telle est l’ambition de ce nouveau site d’information. Une semaine après le lancement de ce pure-player, déjà un premier scoop. C’est la révélation de l’abstention de Cécilia Attias, ex- épouse de Nicolas Sarkozy, lors du second tour qui va tout déclencher. Cinq ans plus tard, le site est primé “meilleur site étranger” par un magazine américain. Une distinction que l’équipe accepte comme une reconnaissance.

La dimension participative mise en exergue

La singularité de ce site repose sur la possibilité donnée aux internautes de s’exprimer et d’interagir avec les journalistes. “Le côté participatif prime dès le début du projet avec une plate-forme d’échanges à travers les commentaires.” Rue89 se fait alors très vite connaître comme un média alternatif. Se démarquer des autres médias avec un regard décalé relève d’une volonté éditoriale sur le choix et la manière de traiter un sujet.

Depuis la création du site, Rue89 ne veut pas être dans la course à  l’information. Tous les jeudis matin, se déroule la conférence de rédaction avec la participation des internautes. Une place est également laissée aux experts dans la co-production de l’info. Mais “les journalistes ont le dernier mot” répète Laurent Mauriac. En effet, il définit le journaliste comme “une sorte de médiateur, il va apporter une hiérarchisation et rendre digeste une information, ce que l’expert n’a pas.

Un futur en dents de scie

Aujourd’hui ce pure-player représente 30 salariés avec une spécialisation assez large des journalistes. Si le Web réprésente un média d’avenir, il n’est pas en reste sur les difficultés qui touchent le secteur de la presse. Pour continuer à exister en tant que site gratuit, Rue89 ne peut plus miser uniquement sur la publicité. “On a toujours des projets de développements en cours”. Depuis quatre ans, l’équipe propose une formation en journalisme numérique en enseignant les bases de l’écriture Web et la gestion des réseaux sociaux. Une activité qui permet d’assurer la pérennité du site pour l’heure. Les pure-players, à l’image de Rue89 devront toutefois réfléchir à leur avenir économique. “Penser à migrer vers un modèle mixte est nécessaire” comme l’avance Laurent Mauriac.

Nassima Ouaïl et Eline Ulysse

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